Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

Publié le 15 Septembre 2016

Notre tentative d’épuisement d’un coin de bocage se veut systématique. Cette description se fera donc parcelle par parcelle, en partant de l’angle sud est du domaine à son extrémité nord ouest. Choix totalement arbitraire, inutile donc d’y chercher une quelconque explication…

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

 

     Considérons donc la parcelle située à l’angle sud-est du domaine de Loritel,  figurant au cadastre dans la section B numéro 82, officiellement dénommée « Le Clos du Pré », mais connue du plus grand nombre sous le vocable « Le Gardin de Pie ». Au terme d'une brève enquête, il apparaît que personne ne se souvient des raisons qui ont conduit au choix de ce toponyme. Les pies y sont certes, présentes, mais pas plus qu’en tout autre lieu du bocage. J’aime à penser que cette dénomination est le fruit d’une anecdote, d’une légende locale aujourd’hui oubliée. Pure spéculation… Le mystère demeurera donc…

D’une surface de  quatre vingt dix ares et seize centiares, elle dessine un rectangle allongé dans le sens nord-sud. Exprimée en unités traditionnelles cette parcelle s’étend sur cinq "vergies".

Dans sa partie sud, contiguë à la route qui dessert Loritel, elle est bordée d’une haie vive plantée de noisetiers, d’épines noires et de frênes qui ont poussé en cépée. Ce rideau végétal prodigue en été une ombre bienfaisante aux heures chaudes de midi et en hiver protège des vents dominants de sud ouest. Cette haie montrait encore il y a quelques années des vestiges de plessage, antique technique qui consiste à couper partiellement les branches des arbustes et à les tresser entre elles pour former un véritable grillage vivant.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

La limite est de la parcelle est constituée par le même type de haie dans sa moitié nord et d’un talus surmonté des mêmes essences dans sa moitié sud. Cette haie nous sépare d’un chemin de terre encaissé, témoin de ce que pouvaient être les chemins ruraux du siècle dernier. Cette seule haie nous a déjà fourni trois années de bois de chauffage après des coupes effectuées en 2011, 2012 et 2016. Nous avons épargné les quelques arbres de haute futaie qui nous semblaient dignes d’être sauvegardés. Trois frênes et un chêne ont l’honneur de trôner sur cette forêt linéaire. Fières sentinelles sur la marche orientale de Loritel, ils veillent sur le Gardin de Pie. A soixante dix mètres au dessus du niveau de la mer cette limite est le point culminant du domaine.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie
Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

La limite nord du Gardin de Pie est mitoyenne avec la parcelle dénommée, la Grand Pièce. C’est un talus typique surmonté des mêmes essences que les deux précédents avec la présence notable de deux imposantes cépées d’érable champêtre. Reconnaissables à leurs feuilles caractéristiques et dont la couleur jaune vif à l’automne constitue un des plus beaux ornements de la parcelle. Le reste de ce talus est dominé par deux grands frênes au port imposant.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

La limite ouest du Gardin de Pie est pour moitié un talus qui la sépare du « Grand Gardin », situé en contrebas et pour l’autre moitié par une haie vive qui borde notre jardin. Le bois surmontant ce talus a été coupé cette année afin de nous fournir le bois qui nous chauffera dans deux ans. Y trônent deux chênes dans la fleur de l’âge et deux énormes merisiers dont l’écorce a subi, il y a bien des années la dent de quelque ruminant. En conséquence, leurs troncs sont parfaitement creux, ce qui leur enlève toute valeur marchande mais leur permet d’offrir gîte et couvert à une foule d’insectes et d’oiseaux. Ces deux arbres représentent une importante réserve de biodiversité qui justifie à elle seule leur préservation. Leur abondante floraison blanche est une des premiers signes du printemps. Les petites cerises noires qu’ils produisent en quantité sont fort appréciées des oiseaux qui dispersent les noyaux aux alentours. Chaque année, de jeunes merisiers poussent donc en quantité sur tout le domaine et selon le hasard de ces semailles involontaires, en fonction de l’emplacement où le merle, le geai, la grive les ont laissé tomber, ils prospèrent ou dépérissent. 

On trouve également sur ce talus un châtaignier au tronc couché qui n’avait pas résisté à la tempête de 1999. Grâce au phénomène que les botanistes appellent la « réitération » il a remarquablement su se régénérer à partir de la souche restante. Du pied de la souche ont jailli plusieurs vigoureux châtaigniers dont les troncs font actuellement plusieurs dizaines de centimètres de diamètre.

Notons également la présence de deux cépées de saule dont les chatons recouvrent le sol au printemps. Elles ont été comme les autres arbustes coupée cet hiver, mais elles présentent déjà de vigoureuses pousses qui l’hiver prochain rempliront déjà leur rôle de coupe vent.

La partie sud de ce talus est une haie vive de noisetiers, aubépines et épines noires avec là encore quelques grand frênes épargnés il y une dizaine d’années.

Décrire la flore qui orne chaque talus serait fastidieux. Contentons nous de citer : Digitale pourpre, compagnon rouge, grande berce, fougère grand aigle, bouton d’or, jacinthes, orchis, lamier blanc, lamier pourpre, églantier. Et tous ceux que je me contente d’admirer sans en connaître le nom.

La surface enclose par ces haies et talus, est comme toutes les parcelles de Loritel, une prairie naturelle sur laquelle n’a été épandu depuis vingt ans aucun pesticide ni engrais chimique. Les spécialistes en agronomie vous diront à l’analyse des végétaux qui la constituent qu’il s’agit là d’une prairie dégradée. Touffes de dactyles y côtoient l’houlque laineuse, et par endroits de grandes plaques de trèfle blanc. On peut constater également que certaines zones qui ont été piétinées par les animaux présentent une forte proportion de rumex que les normands connaissent mieux sous le nom de « doche ». Cette plante fort peu prisée des animaux qui la délaissent a une certaine tendance à être envahissante. Les orties sont également présentes sur une surface non négligeable de la parcelle, surtout au pied des talus. La lutte contre ces deux espèces invasives et les ronces qui poussent au flanc des talus est une guerre perpétuelle, version bocagère du mythe de Sisyphe. Une victoire sur une partie de notre domaine se paie souvent d’un recul dans un autre secteur. A noter également la présence de boutons d’or et de pissenlits constellant la surface de points jaunes au moment de la floraison.

Cette prairie n’en fournit pas moins une bonne quantité de foin chaque année.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie
Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

Pour ce qui est des occupants de la parcelle, il faut distinguer les occupants domestiqués des occupants sauvages dont la présence est aléatoire.

Les occupants domestiqués sont actuellement nos deux ânesses et quelques chevaux dont les mandibules peinent à venir à bout de ces hectares de prairie. Quand ils occupent le Gardin de Pie, la disposition allongée et les proportions respectables de la parcelle permettent aux chevaux de pouvoir, si l’envie leur en prend de partir au galop ce dont il ne se privent pas.

Je garde le souvenir des gambades des vaches qui il y a quelques années passaient la belle saison à Loritel. La mise à l’herbe des bovins se faisait toujours dans cette parcelle. Cette petite cérémonie est une intense source de joie, véritable célébration de l’abondance. Les gambades de dix ruminants euphoriques dans la jeune herbe de printemps constituent une véritable danse qui génère une euphorie communicative. Le Gardin de Pie est dans mes souvenirs irrémédiablement lié à cette scène.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

Pour ce qui est des occupants sauvages, ils sont comme sur tout le domaine, représentés par une quarantaine d’espèces d’oiseaux, quelques espèces de mammifères, quelques reptiles et batraciens, et une myriade d’insectes dont la plupart du temps, j’ignore le nom.

J’ai soigneusement recensé les oiseaux et les mammifères et noté le nom de chaque espèce observée à au moins une reprise sur notre petit domaine. Ces hôtes de Loritel feront l’objet d’articles séparés qui permettront de se faire une idée de la biodiversité du bocage et seront applicables à toutes les parcelles du domaine, à quelques nuances près.

 

Ainsi s’achève la description du Gardin de Pie, qui constitue l’exemple type de ce que doit être une parcelle du bocage, constituant en quelque sorte un « mètre étalon » de ce paysage.

Tentative d'épuisement d'un coin de bocage : Le Gardin de Pie

Rédigé par Philippe LEBOUCHER

Publié dans #Tentative d'épuisement d'un coin de bocage., #Bocage, #Vie rurale

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