L'Echo des sept routes N°24 : Des dangers de Loritel et des moyens de faire progresser la connaissance scientifique.

Publié le 20 Novembre 2014

Les dangers de Loritel.

Loritel, sous ses aspects idylliques, recèle son lot de dangers. Jugez plutôt. Le soir du Vendredi 13 Juin dernier, Charlotte toute à son envie de dévorer son énième bouquin de la semaine s’en va nuitamment rechercher le livre qu’elle a oublié sur la chaise longue du jardin sans même prendre le temps de se rechausser. Quelques minutes plus tard, un cri provenant venant du jardin déchire la nuit paisible. J'accours précipitamment, et je perçois la silhouette vacillante de Charlotte sous la lumière de la pleine lune du Vendredi 13. Le suspense est à son comble. On a beau se prétendre insensible aux ravages de la presse à sensation, à la frénésie émotionnelle propagée par l’info immédiate, et ne pas gouter l'esthétique des films d'horreur, il n’en reste pas moins que lorsque qu’on entend un de ses enfants hurler un soir de pleine lune, qui plus est un Vendredi 13, l’espace d’un instant, quelques idées effrayantes nous viennent brutalement à l’esprit. Un instant, une musique angoissante, style "Psychose" surgit dans mes pensées. Fort heureusement, le climat se détend quand je vois Charlotte sautillant sur un pied en poussant des cris de douleur mais qui, entre deux plaintes déchirantes, trouve le moyen de rire gaiement. Je ressens alors un énorme soulagement. Les rires de ma fille prouvent qu’elle n’est pas victime d’un tueur psychopathe tapi dans la pénombre de notre jardin. Si Charlotte rigole encore, c'est que l'horreur a donc, pour un soir encore, épargné Loritel. La tension redescend donc d'un cran et comme par enchantement, la pleine lune perd instantanément tout aspect lugubre pour redevenir un magnifique disque d'argent éclairant le paisible bocage d'une douce clarté.

Reste qu'à cet instant, un mystère persiste : qu'est ce qui peut bien provoquer à la fois ces cris de douleurs et ces éclats de rire alternés ?

Passée donc l'angoisse que tout père de famille ressent devant la souffrance de ses enfants, je m'enquiers donc de l'origine de ces plaintes.

"J'ai marché sur un hérisson et ça fait vachement mal !"

A cet instant, Charlotte vient à son corps défendant de me divulguer une information primordiale : Loritel abrite encore des hérissons. La présence de cet adorable insectivore dans notre jardin prouve qu'il a de bonnes raisons de s'y réfugier et qu'il s'y sent assez en sécurité pour oser s'aventurer hors de son abri pour subvenir à ses besoins. Cela signe à coup sûr le fait qu'une certaine biodiversité persiste sur notre petit domaine. Eh bien, voilà pour moi un sujet de grande fierté.

Quand on a le dos recouvert d'environ six mille piquants, on est en droit de se croire prémuni de nombre de désagréments. Il suffit de se rouler en boule et d'attendre que le prédateur de lasse des cruelles piqures que son "pelage" est capable d'administrer. Chacun pourra juger à son gré de l'efficacité de cette méthode qui parait fort peu adaptée aux dangers de la vie moderne. Toutefois il faut admettre que de notre point de vue, cette stratégie de défense rend le hérisson très aisément observable à partir du moment où il la met en oeuvre. Rien de plus simple que de ramasser cette pelote de piquants, en prenant toutefois quelques précautions, et de l'observer tout à loisir. On peut alors le prendre en photo comme vous pouvez le constater. Malheureusement cette confiance en ses moyens naturels de défense est fort dommageable au hérisson qui croit que cet original moyen de défense est de nature à le protéger des pneus de nos automobiles. De ce fait, la route est une énorme cause de surmortalité pour cette espèce. Fort heureusement, Charlotte est moins pesante qu'une automobile et le hérisson semblait n'avoir subi aucun dommage après avoir été malencontreusement piétiné, ce qui permit à toute la famille de l'observer tout à loisir, déclenchant moult exclamations d'étonnement et de joie.

Après vérification par Charlotte, notre investigatrice attitrée, nous sommes en mesure d'affirmer que ces 6000 piquants sont capables d'infliger de douloureuses blessures.

Après vérification par Charlotte, notre investigatrice attitrée, nous sommes en mesure d'affirmer que ces 6000 piquants sont capables d'infliger de douloureuses blessures.

En revanche, comme il était déjà fort tard, nous n'avons pas eu la patience d'attendre que notre ami se déroule pour pouvoir le voir marcher. Nous nous sommes donc éloignés afin que le sympathique petit animal se remette des ses frayeurs et puisse regagner son abri en toute sécurité.

En guise de conclusion, je suggèrerais aux biologistes qui voudraient estimer la population de hérissons dans notre bocage le protocole suivant : il suffit pour cela de recruter quelques volontaires, qui pieds nus au clair de lune, arpenteront systématiquement chaque parcelle. Il ne reste qu'à compter chaque cri de douleur perçu, de s'enquérir de la cause, (On évitera en effet de recenser les morsures de vipères, les piqures de guêpes et autres hyménoptères ainsi que les contacts inopinés avec les buissons de ronces, chardons et autres orties). Il suffit ensuite de rapporter le nombre de cris dus au contact avec le dos d'un hérisson à la surface explorée, le chiffre de cette surface étant aisément consultable au service du cadastre. Ce dispositif d'une grande rigueur scientifique est fort peu couteux, facile à mettre en oeuvre et, Charlotte vous le dira, très efficace. C'est au prix de ces quelques petits sacrifices de ce genre que nos connaissances sur le hérisson pourront progresser et que l'on pourra commencer à prendre des mesures pour protéger ce sympathique petit mammifère qui est fort menacé. En attendant chacun peut contribuer à le protéger. On peut lui ménager des espaces pour lui servir d'abri : un petit tas de branchages et quelques feuilles mortes et notre ami est au chaud pour l'hiver. Pour ce qui est de sa subsistance, il est insectivore, et de ce fait est particulièrement sensible aux pesticides en tous genres, et surtout aux produits anti limaces qui le déciment littéralement. Bannissez ces poisons. N'hésitez pas à mettre en oeuvre ces quelques mesures pour pouvoir continuer à montrer des hérissons à nos enfants et voir leurs yeux briller de joie et d'émotion devant cet adorable petit animal.

"Non Non Pas de photos !" Le hérisson est très pointilleux concernant son droit à l'image.

"Non Non Pas de photos !" Le hérisson est très pointilleux concernant son droit à l'image.

Rédigé par Philippe LEBOUCHER

Publié dans #Animaux

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